Et si le monde était plus vaste que vous ne l'imaginez ?
Il est de ces expériences que la raison scientifique ne saurait appréhender. Des expériences que l'on vit, que l'on ressent, mais qui ne se laissent pas expliquer par les théories rationnelles. Parmi ces expériences, il en est une qui attire de plus en plus d'attention : celle de la prise de substances psychédéliques. Leur effet sur les neurones et les neurotransmetteurs est au centre d'un intérêt croissant du grand public. De nombreuses publications sur la psilocybine présente dans les champignons magiques piquent, par exemple, la curiosité.
En effet, cette pratique est souvent assimilée à une recherche de révélation, une quête de sens voire d'amélioration de l'état psychologique de personnes en souffrance. Mais qu'en est-il vraiment ? Peut-on trouver dans les états modifiés de conscience une voie de connaissance fiable ou une finalité thérapeutique pour calmer les tourments de l'âme ? L'esprit humain peut-il s'élever au-delà de lui-même grâce à ces substances psychoactives ? Pour répondre à ces questions, il nous faut explorer le monde des rêves, de la conscience et de la philosophie.
Légalité des psychédéliques
Avant la lecture de ces quelques lignes, il est bon de rappeler que < a href="https://www.lemonde.fr/substances-et-dependances/article/2018/11/18/le-lsd-a-80-ans-de-la-psychiatrie-a-la-contre-culture-americaine_5385161_5384058.html">les substances psychédéliques sont illégales dans de nombreux pays. De plus, l'expérience psychédélique n'est pas une pratique anodine et nécessite une certaine prudence. L'amateur d'introspection chimique devra donc toujours se renseigner sur la législation en vigueur et sur les effets et les risques des drogues psychédéliques avant d'envisager de poursuivre son exploration personnelle.
Une altération psychédélique de la réalité
Le rêve est l'expérience la plus subjective qui soit. C'est un monde qui n'appartient qu'à soi, où la réalité s'efface pour laisser place à l'imaginaire. De la même manière, la prise de substances psychédéliques peut nous transporter dans un monde qui n'est pas celui que nous connaissons. Les frontières entre ce qui est réel et ce qui ne l'est pas s'estompent. Mais que nous apprennent ces mondes imaginaires ? Sont-ils le fruit de notre esprit, ou sont-ils en eux-mêmes des réalités à part entière ? Ces questions sont au cœur de l'expérience psychédélique.
La conscience est le lieu où se déploie l'esprit au sein des réseaux de neurones de notre cortex. C'est un espace qui se transforme grâce à la neurochimie, en fonction de notre état mental.
Les états de conscience sont multiples, allant du sommeil profond à l'état de méditation. La prise de substances psychédéliques peut ouvrir des portes sur des états modifiés de conscience encore inexplorés par la plupart des personnes. Pour autant, ces états peuvent-ils être qualifiées de réels ? Sont-ils des états de conscience plus élevés, ou bien des états altérés, qui déforment la perception de la réalité ? La conscience est-elle réellement modifiée, ou avons seulement l'illusion d'une élévation de la conscience ? Autant de questions qui nous mènent sur des terrains philosophiques.
En quête d'une révélation
La quête de la révélation est une quête éternelle de l'humanité. Elle prend souvent la forme d'une recherche mystique ou religieuse, où l'on cherche à entrer en contact avec une force supérieure. La prise de substances psychédéliques est souvent décrite comme une expérience révélatrice, où l'on découvre des vérités cachées. Mais quelle est la nature de ces révélations ? La question de la qualité des états de conscience induits par les substances psychédéliques est centrale en philosophie. Peut-on considérer ces états comme supérieurs à d'autres états de conscience ? La notion de révélation est également complexe : quelle est la nature de ces vérités cachées ? Sont-elles réellement fondamentales, ou simplement des illusions provoquées par les substances ?
La quête de la révélation est une quête profonde de l'esprit humain, mais la vérité est-elle vraiment atteignable par ces moyens, ou bien faut-il chercher en nous-mêmes, dans notre individualité, ou encore dans la nature qui nous entoure ?
Les substances psychédéliques comme outil philosophique
Il est parfois des moyens peu conventionnels pour explorer la philosophie, et certains se tournent vers des substances telles que le champignon à psilocybine, l'ayahuasca ou le LSD pour atteindre des niveaux de conscience inexplorés. Cette pratique est souvent associée à un nihilisme moderne, où la morale se dissout dans un univers dénué de sens. Mais il ne faut pas pour autant réduire ces expériences à une simple recherche de sensation forte.
Altérer nos émotions pour changer notre vision du monde
En réalité, ces substances peuvent offrir une véritable révélation, non pas sur la nature des choses, mais sur notre rapport à elles. La vérité ne se trouve pas dans une définition objective, mais dans notre perception individuelle de la réalité. Ce sont nos émotions qui induisent la manière dont nous recevons les perceptions. Les psychédéliques peuvent ainsi nous aider développer notre perception émotionnelle pour envisager les choses sous un jour nouveau.
Cette altération peut être un nouveau terrain de jeu mental pour explorer cette réalité subjective et à nous libérer de nos schémas de pensée habituels.
À la recherche de l'individu
L'exploration de l'individualité est un autre aspect important des expériences psychédéliques. Elles nous permettent de prendre conscience de l'étroitesse de notre vision du monde, et de nous ouvrir à de nouvelles perspectives. La nature elle-même peut sembler nous parler, et nous pouvons ressentir une connexion profonde avec elle : plus encore, les consommateurs de champignons psychédéliques ressentent parfois une harmonie avec tout le royaume fongique. Comme si le mycélium s'étendait jusqu'à eux et les intégrait dans un vaste réseau de coopération. Heureusement, les champignons magiques ne connectent pas réellement les humains aux champignons !
Des risques à prendre en compte
Mais ces expériences ne sont pas sans risques. En les abordant avec une intention philosophique sérieuse et une certaine prudence, elles peuvent offrir une nouvelle perspective sur le monde et sur nous-mêmes. La morale ne disparaît pas pour autant, elle se transforme en quelque chose de plus personnel et subjectif.
Les champignons hallucinogènes comme stimulateur de conscience
Les psychédéliques peuvent ainsi offrir une expérience philosophique unique et enrichissante, à condition de ne pas les considérer comme une fin en soi.
En fait, c'est la recherche personnelle qui va permettre de trouver des réponses. La substance psychédélique n'est qu'un facilitateur, pas une solution miracle. C'est d'ailleurs le témoignage qu'en font les participants aux retraites psychédéliques à psilocybine telles qu'elles existent aux Pays-Bas. Il n'est pas de consommation de truffe de psilocybine valable sans une préparation et un accompagnement thérapeutique classique (psychothérapie ou hypnose par exemple).
Une ouverture d'esprit ?
Les limites de l'expérience psychédélique en philosophie
Pour reprendre notre interrogation sur le voyage psychédélique, il s'agit d'une manifestation de la quête humaine pour explorer les mystères du monde. C'est un voyage à la fois chamanique et mystique, qui transporte l'individu dans des sphères encore inexplorées de la conscience. Mais comme pour Ulysse, tout voyage a ses limites. La prise de substances psychédéliques peut créer un biais cognitif qui altère la perception de la réalité. Le monde que l'on explore sous l'effet de ces substances n'est peut-être pas réel, mais seulement une manifestation de notre esprit.
Une expérience mentale intense et unique
La difficulté de communiquer l'expérience psychédélique limite également sa portée philosophique. Comment expliquer à quelqu'un qui n'a pas expérimenté ces états de conscience les révélations que l'on a eues grâce à des drogues ? La réflexion critique est donc essentielle pour éviter les pièges d'une expérience mal interprétée.
Comme Ulysse qui a su résister aux sirènes, il est important de garder une distance critique pour comprendre les limites de l'expérience psychédélique en philosophie.
Les enjeux éthiques et politiques du psychédélisme
La question de l'usage des drogues psychédéliques ne peut être traitée sans une réflexion approfondie sur les enjeux éthiques et politiques qu'elle soulève. Si la liberté individuelle doit être protégée, il ne faut pas oublier la nécessité de respecter les normes de bio-éthique en matière de santé mentale et de développement personnel.
De même, la retraite psychédélique, telle que pratiquée par certains, ne doit pas être considérée comme une solution pour traiter la dépression ou l'anxiété, mais plutôt comme une exploration de soi-même pouvant avoir des répercutions favorables. Michel Foucault et Spinoza ont tous deux réfléchi sur la question du contrôle social et de la soumission à des normes morales. Si la vision de la société est appelée à changer, il est important de rester critique et vigilant quant aux effets de ces substances sur notre perception de la réalité.
Enfin, l'aide et le respect doivent être au cœur de tout développement de l'usage des psychédéliques à des fins médicales et thérapeutiques, afin d'éviter les risques d'interprétation erronée, les comportements à risque ou la mise en danger d'autrui.
La question des psychédéliques dans la société
Bien qu'elles ne soient pas addictives, les substances psychédéliques comme la psilocybine ou le LSD sont interdites. De même que la cocaïne ou la MDMA, la question de leur prohibition est centrale pour le philosophe. Pourquoi une molécule est-elle illégale ? Quelle légitimité l'explorateur spirituel a-t-il pour violer les lois ? Dans quelle mesure est-il judicieux de le faire à l'encontre de la vision morale qu'en a la société ?
Quel comportement moral adopter ?
En termes éthiques, il est important de considérer les implications de l'usage des substances psychédéliques sur la santé mentale et de respecter les limites du consentement éclairé. La réflexion sur la bioéthique et le développement médical peut aider à protéger et à aider les personnes qui ont des expériences psychédéliques.
En termes politiques, l'expérience psychédélique peut être liée à des mouvements politiques et philosophiques tels que la contre-culture et la quête de liberté individuelle. Cependant, il est important de se méfier de la soumission à une vision de la société préconçue et de considérer les implications sociales et politiques de l'usage des drogues psychédéliques. De nombreux mouvements ont exploité le potentiel des drogues hallucinogènes dans la société moderne : la beat génération des années 60, les hippies des années 70 ou les consommateurs de champignons psilocybes en quête de bien-être depuis les années 2010. Pour autant chacun doit s'interroger sur ses motivations personnelles et éviter d'ingérer quoi que ce soit par simple réaction politique ou par mimétisme social.
Dans l'ensemble, l'expérience hallucinogène doit être accompagnée d'une réflexion philosophique rigoureuse pour éviter les écueils et pour s'assurer que l'expérience soit bénéfique et productive. La philosophie peut aider à fournir un cadre pour comprendre et interpréter l'expérience psychédélique, en la reliant à des concepts tels que la morale, la responsabilité personnelle, et la perception de la réalité. En fin de compte, l'expérience psychédélique doit être abordée avec prudence, respect et réflexion pour en tirer pleinement profit. Par ailleurs, toute expérience avec des drogues hallucinogènes doit se faire en prenant en compte les risques encourus. Pour éviter le bad-trip ou les situations angoissantes et désagréable, l'aventure ne doit jamais être abordée seul. Même si l'exploration de l'esprit est parfaitement personnelle, la présence d'une personne de confiance et un lieu calme et sécurisant sont des conditions nécessaires à une démarche saine et positive.